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« COVID-19, immobilier & ajustement des délais d’urgence », Me Cyril SABATIE

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Pour faire face à la crise sanitaire et aux difficultés que pose le confinement, le Gouvernement a pris 25 ordonnances (parues au Journal Officiel du 26 mars 2020) en application de la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020.

photo : coronavirus nouveau décret

Certaines de ces ordonnances visaient, de manière trop générale à aménager ou suspendre les délais pour les adapter aux contraintes du confinement et permettre d’une certaine manière une continuité de l’activité économique du pays. Parmi celles-ci, la fameuse ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Ce texte a fait couler beaucoup d’encre et suscité beaucoup d’interrogations compte tenu de ses termes très généraux. Les acteurs de la filière immobilière et du BTP s’inquiétaient, notamment du risque de paralysie des secteurs de la transaction immobilière et de la construction.

Ils ont été entendus par le Gouvernement. En effet ce dernier a publié ce 16 avril une ordonnance n°2020-427 (de révision de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 précitée, conformément aux pouvoirs qui lui ont été attribués par la loi du 23 mars 2020).

Ce texte apporte, pour l’immobilier et l’urbanisme, des aménagements et compléments concernant les dispositions prises par l’ordonnance susvisée relative à la prorogation des délais.

Le rapport au Président de la République relatif à ce nouveau texte prend la peine de rappeler que cette ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a instauré un dispositif de report de divers délais et dates d’échéance. Elle a défini pour cela, au I de l’article 1er, une « période juridiquement protégée » qui court à compter du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

A ce jour, compte tenu des dispositions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, la durée de l’état d’urgence sanitaire est prévue pour s’achever le 24 mai 2020, de sorte que la « période juridiquement protégée » s’achèverait un mois plus tard. Ce rapport précise toutefois que la date d’achèvement de ce régime dérogatoire n’est toutefois fixée qu’à titre provisoire.

Ainsi ce terme (provisoire) devra être réexaminé dans le cadre des mesures législatives de préparation et d’accompagnement de la fin du confinement.

L’article 1er de ce texte complète la liste des délais, mesures et obligations exclus du champ d’application de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais. En marge des questions proprement immobilières on y retrouve ainsi des ajustements concernant TRACFIN et la LAB/FT, l’ORIAS, ou encore les délais relatifs à l’attribution des logements étudiants.

Son article 2 vise, quant à lui, à préciser le sens et la portée de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. Le rapport rappelle, comme nous l’avions évoqué dans nos précédents articles, que cette disposition ne constitue ni une suspension, ni une prorogation du délai initialement imparti pour agir. Le mécanisme mis en œuvre par cet article permet simplement de considérer que l’acte ou la formalité réalisé jusqu’à la fin du délai initial, calculé à compter de la fin de la période visée à l’article 1er (état d’urgence sanitaire + un mois), dans la limite de deux mois, sera réputé valablement fait. Il s’agit de permettre d’accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu’il a été impossible de faire pendant la période d’urgence sanitaire augmentée un mois.

A ce titre cette nouvelle ordonnance du 15 avril 2020 vient préciser de manière interprétative (et donc rétroactive) que cette mécanique « n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ». Le rapport précité vise d’ailleurs expressément le délai de rétractation, dit SRU, prévu par l’article L.271-1 du CCH. Inutile dans ces conditions pour l’acquéreur de devoir renoncer à la prorogation de ce délai lorsqu’il souhaite accélérer son acquisition.

En matière d’urbanisme, le texte revient entre autres sur la suspension des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme et sur la prorogation des délais de recours contentieux. Le permis de construire délivré et non purgé du délai de recours avant la déclaration de l’état d’urgence pouvait être contesté pendant trois mois à l’issue de cette période juridiquement protégée, paralysant ainsi toute la chaine d’acquisition de terrains, de commercialisation des programmes neufs et de démarrage des chantiers.

L’article 8 de la nouvelle ordonnance remplace donc, pour les recours contre de telles autorisations, le mécanisme de l’article 2 par un système de suspension des délais, qui reprendront leur cours là où ils s’étaient arrêtés dès la cessation de l’état d’urgence sanitaire, tout en sanctuarisant (sic) un minimum de sept jours pour permettre aux justiciables de saisir la juridiction administrative.

Enfin le nouvel article 12 ter prévoit une dérogation à l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, pour permettre que les délais d’instruction administratifs des autorisations d’urbanisme reprennent leur cours dès la cessation de l’état d’urgence sanitaire, et non un mois plus tard. Là encore, l’objectif est de relancer aussi rapidement que possible, une fois passée la période de crise sanitaire, le secteur de l’immobilier, en retardant au minimum la délivrance des autorisations d’urbanisme.

Dans le même esprit, l’article 12 quater cette fois prévoit la même adaptation des délais relatifs à l’exercice du droit de préemption impartis pour répondre à une déclaration d’intention d’aliéner (DIA).

Voici des mesures d’ajustement de bon sens et bienvenues, de nature à rassurer la filière immobilière et construction, en attendant les adaptations concernant les délais relatifs au droit de la copropriété.

Cyril Sabatié

Cyril SABATIE est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet LBVS AVOCATS. Il dispose également de deux autres cabinets sur Nice et Angers destinés principalement au conseil des professionnels de l’immobilier et de la construction. Il a été notamment Directeur juridique de la FNAIM et est l’auteur de divers parutions et articles sur le droit immobilier, en particulier l’ouvrage COPROPRIETE aux éditions Dalloz-Delmas.
Il est également membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) et de la Chambre des experts immobiliers FNAIM (CEIF).

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Vos réactions
  • Par Me SABATIE Cyril, il y a 4 années

    Condition a priori pas du tout concernée par les ordonnances. Je termine un article pour le JDA pour expliquer la question des conditions suspensives de financement. A paraître sous peu…

  • Par Sandrine Boussicault, il y a 4 années

    Bonjour,

    une question concernant le délai d’obtention de prêt.
    Si j’ai bien interprété les textes, l’ordonnance du 24 mars permettait aux acquéreurs de demander un report de la date d’obtention de prêt prévue au contrat d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire qui était fixée au 23 juin à ce moment-là? Ce qui repoussait le délai d’obtention du prêt au 24 juillet dans la mesure ou la promesse avait bien été signée après le 12 mars. Peut-être raccourci en fonction de la date provisoire de fin d’état d’urgence au 24 mai au 24 juin. Il y a t-il une modification de ce délai avec cette nouvelle ordonnance du 16 avril? Merci pour votre aide.

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