La Cour de cassation dans un arrêt confirmatif du 5 février 2020 n°18-2608 rappelle que le mandat que détient l’agent immobilier est un mandat d’entremise qui lui donne comme pouvoir de rechercher un acquéreur et de négocier mais ne lui permet aucunement d’engager son mandant, même au prix et conditions du mandat (sauf stipulation expresse).

Cette tendance de la jurisprudence devrait amener prochainement à réfléchir au contenu des mandats, notamment en prévoyant que le mandat puisse constituer une offre au sens de l’article 1114 du Code civil et que son acceptation aux prix et conditions par un candidat acquéreur puisse engager le mandant.

La Cour de cassation dans un arrêt de censure du 26 mars 2020 n°18-16113 rappelle qu’un preneur resté en place au terme d’un bail dérogatoire de 6 mois, sans opposition de son bailleur, bénéficie automatiquement du bénéfice du statut des baux commerciaux, avec ses droits et obligations.

Le fait que l’article L.145-5 du code de commerce (modifié par la loi du 18 juin 2014 applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014) ait porté à trois ans la durée maximale d'un bail ou de baux successifs dérogatoires est sans incidence sur cette situation.

En effet, quelle que soit la durée du bail dérogatoire et du maintien dans les lieux, si le preneur demeure dans les lieux et est laissé en possession de ceux-ci au-delà du terme contractuel (et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance), il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.

L’ajournement des assemblées générales de copropriétaires convoquées et devant se tenir durant la période de confinement pose de multiples questions, au rang desquelles celle des modalités de (re)convocation. Le GRECCO a récemment émis une préconisation n°8 (le 18 avril 2020) sur la forme de ces nouvelles convocations.

On y relèvera pour notre part la conclusion suivante, par souci de sécurité juridique : « S’il est choisi de convoquer à nouveau une assemblée générale à l’issue de la période de confinement, il conviendra donc de notifier à nouveau les documents annexes visés par l’article 11 [du décret de 1967 ndlr] à l’ensemble des copropriétaires.

Cette première solution assure la sécurité juridique de la convocation et de la tenue de l’assemblée générale postérieurement à la période de confinement, mais elle a un coût qui sera supporté selon les cas (assemblée comprise dans le forfait ou non) par le syndicat et/ou par le syndic ».

Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation c’est effectivement l’autonomie des assemblées générales qui semble imposer de notifier à nouveau les documents et annexes visés par l’article 11 précité. Anticiper que le juge pourra retenir la force majeure pour éviter d’avoir à notifier de nouveau ces pièces (au sens de l’article 1218 du Code civil) nous semble trop risqué en pratique pour l’intégrité des AG et la RCP du syndic.

Dans un arrêt du 7 avril 2020 n°18-04305 la cour d’appel d’Amiens rappelle que la liste des réparations locatives fixées par le décret du 26 août 1987 n’est pas limitative, à la différence de celle des charges. Cette décision a été rendue à l’occasion de menus travaux de réparation d’un volet roulant contesté par les locataires. La cour d’appel précise ainsi que «la liste figurant en annexe (du décret) n’est pas limitative et que d’autres réparations peuvent être à la charge des locataires, lorsqu’il s’agit de travaux d’entretien courant et de menues réparations, ce qui inclus également le remplacement de pièces ».

La cour d’appel d’Angers, dans un arrêt du 10 décembre 2019 n°17-01784, retient la responsabilité des mandants qui n’ont pas respecté la clause du mandat qui leur imposait de ne pas traiter sans le concours de l’agence.

L’agent immobilier n’ayant pas été en mesure de justifier de ses diligences pendant les 5 mois de son mandat, les magistrats ont réduit l’indemnité prévue dans la clause pénale, de 7500€ à seulement 1000€ !

Une nouvelle fois malgré les dispositions contractuelles, le préjudice de l’intermédiaire immobilier doit être justifié, notamment au regard de son travail.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 février 2020 n°18-14305, confirme l’arrêt d’appel qui a relevé que le règlement de copropriété réservait les bâtiments à l'usage exclusif d'habitation.

Pour la cour, la clause du règlement selon laquelle les chambres de débarras, les caves et les garages ne pouvaient être vendus qu'à des personnes déjà propriétaires traduisait la volonté de conserver aux bâtiments un caractère résidentiel et de standing.

De cet examen in concreto du règlement, les magistrats ont pu souverainement apprécier la destination de l'immeuble et juger que les appartements ne pouvaient pas être utilisés au titre d’une activité commerciale de location saisonnière.

Cette décision est notamment transposable à la question des locations de type Airbnb ou Abritel qui génèrent beaucoup de contentieux et de questionnement dans les copropriétés.

25 ordonnances sont parues ce jour au JO (26 mars 2020). Ci-joint le dossier de présentation des principales mesures : 

https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2020/03/dossier_de_presse_-_presentation_des_25_premieres_ordonnances_-_25.03.2020.pdf

 

Plusieurs d’entre elles portent des dispositions relatives au droit immobilier et sont susceptibles de vous intéresser.

 

-        Copropriété -

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755577&categorieLien=id

Titre II : DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE COPROPRIÉTÉ - Article 22

« Par dérogation aux dispositions de l'article 1102 et du deuxième alinéa de l'article 1214 du code civil et de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période définie à l'article 1er [confinement sanitaire Ndlr] est renouvelé dans les mêmes termes jusqu'à la prise d'effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d'effet intervient, au plus tard six mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire mentionné à l'article 1er.

Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020. »

-        Loyers et trêve hivernale -

L'ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale jusqu’au 31 mai 2020 :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041756148&categorieLien=id

Ordonnance relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l’épidémie de COVID-19 :

 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=EFB73DB8FA515A6C634BD7834DFF5123.tplgfr41s_3?cidTexte=JORFTEXT000041755842&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041755510

Suspension des loyers commerciaux et professionnels - Article 4 de cette ordonnance :

« Les personnes mentionnées à l'article 1er (Les TPE - Ndlr) ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.

Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »

La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 février 2020 n°18-18751, rappelle qu’une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires donnée a posteriori validant des travaux litigieux produit les mêmes effets qu’une autorisation préalable.

Elle s’impose donc à tous tant qu’elle n’a pas été invalidée judiciairement, même si comme en l’espèce elle porte atteinte aux droits de certains copropriétaires. 

Cet arrêt est notamment l’occasion de rappeler qu’une procédure en contestation d’une décision d’AG, quelle qu’elle soit, n’a pas de caractère suspensif.

La Cour de cassation dans un arrêt du 4 mars 2020 a jugé qu’un concierge, employé d’un syndicat de copropriétaires, peut réclamer l'application des stipulations du règlement de copropriété lorsqu'elles lui profitent, bien qu'il s'agisse d'un document contractuel qui ne lie que les copropriétaires entre eux.

En l’espèce ce dernier réclamait le remboursement de la taxe d'habitation de son logement de fonction, comme le prévoyait le règlement de la copropriété et en contradiction avec son contrat de travail.

Pour la Haute Cour « le logement de fonction du gardien concierge s'intègre aux parties communes » les taxes relatives aux parties communes ne peuvent donc être qu'à la charge de la copropriété.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 5 février 2020 n°18-24580, a retenu la responsabilité civile professionnelle d’un notaire et l’a condamné à payer la clause pénale. Dans cette espèce, la clause pénale était fixée dans le compromis à 63 000 euros.

Ce compromis mentionnait, en outre, que les acquéreurs avaient remis entre les mains du notaire un dépôt de garantie d'un montant de 63 000 euros, lequel n'avait en réalité pas été versé par les acquéreurs qui ne se sont pas présentés pour signer l’acte authentique.

Cette espèce est naturellement transposable à l’agent immobilier rédacteur d’acte et a déjà fait l’objet de précédents.

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (J.O du 11) pré gaspillage et à l’économie circulaire (J.O du 11) prévoit, dans l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, l’obligation pour le syndic d’informer les copropriétaires et les occupants concernant le tri des déchets.

A compter du 1er janvier 2022 le syndic devra notamment faire figurer l'adresse, les horaires et les modalités d'accès des déchetteries dont dépend la copropriété. Cette information devra être affichée de manière visible dans les espaces affectés à la dépose des ordures ménagères par les occupants de la copropriété et transmise au moins une fois par an à ces occupants ainsi qu'aux copropriétaires (le média de transmission n’est ici pas précisé). 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 février 2020 n°19-12240, rappelle que le non- respect des stipulations de la condition suspensive de prêt (conditions du prêt sollicité) fait que la condition doit être réputée accomplie et que le bénéficiaire de la promesse synallagmatique de vente est redevable de la clause pénale à l’égard du vendeur (promettant).

La cour d’appel de Bordeaux, confortée par cet arrêt, avait relevé que peu importait que la somme empruntée ne permette pas de financer l'intégralité du prix d’achat du bien immobilier, dès lors que ce concours bancaire était une condition de la vente.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 février 2020 n°19-14499, juge qu’un chauffage collectif bruyant lors de sa mise en route le matin et lors du refroidissement le soir constitue un vice caché au sens de l’article 1641 du Code civil, et permet ainsi à l’acheteur de réclamer une diminution du prix d’achat à titre indemnitaire.

 

La Cour de cassation dans un arrêt du 19 décembre 2019 n° 18-23509 confirme l’arrêt d’appel (Chambéry) qui avait condamné un copropriétaire à remettre en son état antérieur son chalet reconstruit après incendie.

La Haute Cour de rappeler que les parties communes de la copropriété comprenaient la totalité du sol, en ce compris le terrain d'assiette des constructions. Ainsi, l'emprise au sol du chalet reconstruit était supérieure à celle de l'immeuble originel et cette extension de la construction sur les parties communes avait été réalisée sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ce qui justifiait la demande de remise en état initial.

Actualités

Transaction : Valeur d’une signature scannée sur une promesse ?

La Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 13 mars 2024 n°22-16487, par la voix de sa chambre commerciale, qu’une signature scannée apposée sur une promesse peut être valable.

La Haute Cour confirme toutefois l’analyse de la cour d’appel de Versailles qui juge que ce procédé ne peut être assimilé à celui utilisé pour la signature électronique qui bénéficie d'une présomption de fiabilité en application de l'article 1367 alinéa 2 du Code civil.

Dans cette espèce la Cour de cassation ne reconnaît toutefois pas la validité du procédé, car à l’inverse de la signature électronique, il n’est pas démontré le consentement des vendeurs à l’apposition de leurs signatures scannées sur l’acte de cession.

Bail commercial : Charges locatives et stipulations expresses

La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mai 2024 n°22-22981, rappelle désormais que le bailleur ne peut plus imputer ni récupérer sur le preneur à bail commercial les charges qui n’ont pas été expressément prévues dans les stipulations du contrat (et dans l’inventaire prévu par l’article L145-40-2 du code de commerce).

En l’espèce le locataire commercial demandait le remboursement des charges qu’il avait réglées au titre des frais de dératisation, de désinfection, de câblage, de maintien en fonction des ascenseurs et la taxe de voirie qui lui avaient été imputées au titre de sa quote-part de charges de l'immeuble.

La Haute cour fait droit à la demande de la société locataire et censure ainsi la cour d’appel de Versailles qui n’avait pas vérifié que ces charges figuraient expressément comme récupérables au titre du bail conclu.

Transaction : Irrévocabilité du mandat et période de dénonciation

Il résulte de l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 que passé un délai de trois mois à compter de sa signature, le mandat contenant une clause d’exclusivité ou une clause pénale peut être dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin d’en aviser l’autre partie quinze jours au moins à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

La Cour d’appel de Bordeaux dans ce même arrêt du 1er février 2024 n°20-03739 juge qu’en vertu de cette disposition pendant les trois premiers mois irrévocables du mandat, il n’est pas possible de le dénoncer, sauf à notifier le préavis quinze jours en amont afin que le mandat prenne effectivement fin au bout de ce premier délai incompressible de trois mois.

En l’espèce la période irrévocable de 3 mois prenait fin le 8 avril 2019, or les mandants avaient dénoncé le mandat le 4 avril 2019 pour ce terme, sans respecter le délai de 15 jours.

Dans l’intervalle l’agence leur a adressé une offre d’achat aux conditions du mandat le 12 avril 2019, à laquelle ils n’ont pas donné suite. Ils sont légitimement condamnés à payer la clause pénale à l’agence, la cour d’appel confirmant que l’offre d’achat a été transmise pendant la validité du mandat.

Copropriété : Modalités pratiques de l’appel de cotisation du fonds travaux

Comment doit-être appelé le fonds travaux obligatoire, selon les tantièmes généraux ou selon le critère d’utilité ?

La Cour de cassation répond à cette question dans un arrêt 4 juillet 2024 n°22-21758 publié au Bulletin. Pour la Haute Cour, la cotisation au fonds de travaux prévue par l'article 14-2 II de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi dite ELAN du 23 novembre 2018, est appelée au même rythme que le budget prévisionnel. Elle précise en outre qu’elle n'est pas répartie à proportion des provisions de ce budget incombant à chaque copropriétaire, mais comme les charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes.

En effet, selon l'article 10 alinéa 2 de la loi de 1965 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 « les copropriétaires sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5 ».

Copropriété/ASL : Régularité de la décision de mettre à jour les statuts d’une ASL

La mise à jour des statuts des ASL est une obligation légale. Cette mise à jour doit-elle cependant être adoptée régulièrement lors d’une assemblée générale de l’ASL ?

La Cour de cassation répond par l’affirmative dans un arrêt de censure du 25 avril 2024 n°22-20174. Pour les juges du Droit, peu importe que la mise à jour des statuts d’ASL soit une obligation légale, la décision de mettre à jour lesdits statuts doit faire l’objet d’une adoption régulière de l’assemblée générale des propriétaires membres de l’ASL (quorum et majorité). En l’espèce les statuts d'origine de l'ASL stipulaient que « la décision de modification des statuts devait être prise par la moitié au moins des membres de l'assemblée détenant ensemble les trois quarts des voix au moins ».

Ces modalités n’avaient pas été respectées ce qui impliquait que la décision qui avait adopté la mise à jour des statuts était nulle et avec elle la mise à jour, faisant perdre sa capacité juridique à l’ASL.

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