La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est parue au Journal Officiel du 17 août 2022. Ce texte prévoit différentes mesures, notamment dans le secteur de l’immobilier.

 -        Augmentation de l’APL

 Ainsi, afin de couvrir les hausses de loyer, l'aide personnalisée au logement (APL) est revalorisée de 3,5% avec effet rétroactif au 1er juillet 2022 (revalorisation qui était à l'origine prévue au 1er octobre 2022 et au 1er janvier 2023). 

  -        Plafonnement de l’indexation à l’IRL

Un bouclier pour plafonner l’indexation des loyers d’habitation est également mis en place pendant un an, jusqu'au 30 juin 2023. Le texte (article 12) dispose ainsi « pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l'année 2022 et le deuxième trimestre de l'année 2023, la variation en glissement annuel de l'indice de référence des loyers ne peut excéder 3,5 % ».

Précisons que les députés ont abaissé ce plafond à 2,5% pour les loyers en outre-mer et institué un dispositif particulier et variable pour la Corse (après consultation pour avis de l'assemblée de Corse).

-        Limitation du complément de loyer pour les logements inconfortables

Dans le cadre du dispositif d’encadrement des loyers, cette loi (article 13) interdit au bailleur d’appliquer un complément de loyer lorsque le logement présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : « des sanitaires sur le palier, des signes d'humidité sur certains murs, un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation, des fenêtres laissant anormalement passer l'air hors grille de ventilation, un vis-à-vis à moins de dix mètres, des infiltrations ou des inondations provenant de l'extérieur du logement, des problèmes d'évacuation d'eau au cours des trois derniers mois, une installation électrique dégradée ou une mauvaise exposition de la pièce principale. »

Précisons que cette mesure ne s’applique pas aux baux en cours, et que certains critères sont pour le moins sujet à interprétation…

-        Bail commercial & plafonnement de l’ILC pour les PME

 La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (article 14) prévoit également que la variation annuelle de l'indice des loyers commerciaux (ILC), prise en compte pour la révision du loyer applicable aux petites et moyennes entreprises ne peut excéder 3,5% pour les trimestres compris entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023. Le plafonnement de la variation annuelle est définitivement acquis et la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision postérieure ne peut prendre en compte la part de variation de l'indice des loyers commerciaux supérieure à 3,5 % sur cette même période.

Pour mémoire le dernier ILC publié (fin juin 2022), désormais corrigé du chiffre d’affaires dans le commerce de détail, s’établissait à 120,61, soit une augmentation de 3,32 % sur un an (inférieure à ce plafond).

Sur la partie immobilière, le texte semble avoir été rédigé à la hâte, de manière parfois imprécise et/ou confuse ; du contentieux en perspective assurément...

Actualités

Transaction : Fissures apparentes et notion de vices cachés

La présence de fissures lors de la visite par les acquéreurs peut-elle constituer malgré tout un vice caché ? Ayant constaté l'apparition de fissures sur les murs et façades de leur maison, ainsi que sur la piscine, les acquéreurs ont, après expertise judiciaire, assigné les vendeurs aux fins d'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La Cour de cassation dans un arrêt du 14 septembre 2023 n°22-16623 affirme que si les acquéreurs avaient constaté, lors des visites préalables à la vente, la présence de traces de fissures sur les façades, ils ne pouvaient, n'étant ni des professionnels du bâtiment ni tenus de se faire accompagner par un homme de l'art, se convaincre du vice dans son ampleur et ses conséquences.

Ainsi pour les magistrats, le vice ne présentait pas un caractère apparent lors de l’achat, au sens de l'article 1641 du Code civil ; la garantie légale des vendeurs jugés de mauvaise foi  (il avait été constaté par l'expert la présence de traces de réparations de fissures sur les façades) est donc due.

La Cour de cassation trouve ici un équilibre entre l’obligation élémentaire de renseignement des acquéreurs béotiens et l’obligation légale d’information et de garantie des vendeurs.

Transaction : Etat des risques erroné et résolution de la vente

La cour d’appel de Montpellier juge, dans un arrêt du 28 septembre 2023 n°19-02608, que l’acquéreur peut en l’espèce demander la résolution de la vente si les dispositions de l’article L 125-5 IV du code de l’environnement ne sont pas respectées, ce qui était le cas en l’occurrence ; le vendeur ayant faussement déclaré que le bien n’avait pas précédemment subi de sinistre lié à une catastrophe naturelle.

La résolution de la vente implique de replacer les acquéreurs dans l’état dans lequel ils se seraient trouvés si la vente n’avait pas eu lieu.

Dès lors, la cour estime que les demandes de remboursement à l’encontre des vendeurs au titre du prix de vente, des frais d’agence et de notaire apparaissent justifier (456 850€ pour un bien vendu 400 000€, 12 ans plus tôt).

Copropriété : Contenu comptable de l’opposition de l’article 20

La Cour de cassation, dans un arrêt de censure du 12 octobre 2023 n°22-18723, juge qu’en l'absence de distinction, dans l'opposition formée par le syndic en application de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965, entre les quatre types de créances du syndicat prévue à l’article 5-1 du décret du 17 mars 1967 n'affecte pas la validité de cette opposition.

Cette irrégularité constitue toutefois un manquement à une condition de forme de nature à faire perdre au syndicat le bénéfice de l'hypothèque légale spéciale (ancien privilège) prévue à l'article 2402 du Code civil.

Cet arrêt réitère l’exigence jurisprudentielle concernant l’obligation pour le syndic de distinguer les différentes créances dans son opposition. Cet arrêt semble toutefois constituer un nouvel apport en exigeant ici expressément la distinction entre « les quatre types de créances » au sens de l’article 5-1 du décret de 1967.

Le fait que le syndic ait joint en annexe à son opposition « un extrait de compte copropriétaire pour une période déterminée » est à juste titre jugé inopérant.

Transaction : RCP de l’agence et conseil fiscal sur la plus-value

La cour d’appel de Toulouse a rendu un arrêt intéressant le 23 mai 2023 n°21-01979 concernant la responsabilité de l’agent immobilier au regard de son obligation de conseil et eu égard aux informations qu’il doit délivrer notamment sur le régime de plus-value immobilière. La cour juge que l’agent immobilier est tenu d’un devoir d’information et de conseil qui l’oblige à alerter ses mandants des risques propres à la vente projetée et à s’assurer de la réunion des conditions nécessaires à la validité et à l’efficacité de l’acte signé avec son concours, mais ce devoir s’inscrit dans le cadre de sa compétence qui n’est pas celle d’un professionnel de la fiscalité.

Dans cette espèce le vendeur avait refusé de signer la promesse, malgré l’offre acceptée, au motif qu’il devait régler 40 000€ de plus-value. L’agence immobilière ORPI l’a donc assigné pour obtenir le paiement d’une indemnité équivalente à ses honoraires ; la vente ne s’étant pas réalisée du fait du mandant.

Les juges toulousains affirment que « l’agence ORPI qui n’est pas un professionnel de la fiscalité n’a donc pas commis de manquement à son devoir d’information et de conseil qui aurait vicié le consentement de son mandant. »

La cour rejette ainsi la responsabilité de l’agence, mais censure le jugement de première instance qui avait octroyé à l’agence le paiement de ses honoraires à titre indemnitaire. Selon une jurisprudence désormais établie, concernant la portée du mandat d’entremise, le simple fait de ne pas avoir conclu la vente, même aux conditions prévues par le mandat, ne constitue pas une faute du mandant.

Copropriété : Location de courte durée forcément une activité commerciale ?

Le débat sur la place des locations meublées touristiques de courtes durées (AIRBNB notamment) n’en a décidément pas fini de faire parler de lui, notamment dans les immeubles en copropriété. Il est vrai que le sujet est au cœur des préoccupations dans les communes en zone tendue où le tourisme fait directement concurrence à la location longue durée.

Le tribunal judiciaire de Nice apporte sa pierre à l’édifice en tentant de faire évoluer la qualification juridique d’une telle location  (TJ NICE 03/03/2023 n°22/02991). L’activité est-elle réellement commerciale par nature, comme pourrait le laisser entendre les dispositions de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation ? Pour le tribunal judiciaire de Nice, la réponse est négative. Cette réglementation, issue de la loi ALUR, est étrangère au droit de la copropriété régi par la loi du 10 juillet 1965.

Tout dépendrait donc de la manière dont la location est pratiquée : elle sera commerciale s’il est rapporté la preuve de l’existence de prestations de service associées, mais elle restera civile en cas de location pure et simple. Le feuilleton judiciaire n’est pas terminé : l’affaire est désormais pendante devant la Cour d’appel d’Aix en Provence dont la jurisprudence en la matière semble aussi sévère que celle adoptée par la Cour d’appel de Paris. Espérons que cette juridiction saura néanmoins saisir cette opportunité pour ouvrir la porte à une clarification sur la nature juridique des locations saisonnière.

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